samedi 3 octobre 2015

Syndrome préMarathon

Mon plan, c'est de courir les 5 plus grands marathons du monde sur 5 ans. En 2014, jai couru le #1, celui de New York. Pour 2015, je regardais le calendrier et je me suis inscrite au tirage du marathon de Chicago. Parce que pour y participer, il faut être pigé dans un tirage au sort.

J'ai eu de la chance! À ma première tentative, j'ai été pigée! J'ai donc remis les autres villes aux années suivantes et je me suis concentrée sur le marathon #2 du palmarès!

Alors je me suis dit que, puisque j'y allais et que je courrais, pour une fois, pour moi et non comme lapine, j'allais non seulement courir le marathon mais m'entraîner très fort pour réaliser mon meilleur temps.

J'ai passé l'été à m'entraîner comme jamais. J'ai augmenté le volume à 80 kilomètres et plus par semaine et augmenté les vitesses de cadence, en plus de rajouter des intervalles. Le coach de mon club de course m'a fait un plan personnalisé et les résultats sont assez fulgurants. 

Je m'entraînais pour courir le marathon en moins de 4 h, ce qui, pour moi, serait déjà une grande amélioration. J'ai finalement révisé mon objectif pour un temps plus rapide. Je garde le nouveau temps secret, parce que je n'ose pas vraiment y croire...

Alors la semaine prochaine, je m'envolerai pour mon petit voyage de course à Chicago. Seule.

À l'aube d'un marathon, on est terrifié. C'est un immense défi, un saut dans le vide, et je ne crois pas qu'on peut s'y habituer et aborder cette épreuve avec détachement.

À l'aube d'un marathon où je m'en vais tester ma limite, essayer de battre mon record et de réaliser un objectif ambitieux pour mes petites jambes de fille pas sportive, je me sens....

Je vais pleurer.

Je me sens comme un enfant qui s'en va à sa première journée d'école et que sa mère a laissé tout seul à l'arrêt d'autobus. Dire que j'ai peur...

J'ai peur de trouver ça long, d'avoir mal, de ne pas réussir à maintenir la cadence pour croiser le fil à temps selon mon objectif... J'ai peur de ne pas finir, j'ai peur de ne plus savoir comment courir...

Nommez-les. Toutes les peurs, aussi irrationnelles soient-elles, se disputent la vedette dans ma tête et alimentent les battements d'ailes des immenses papillons dans mon estomac...

Vous savez, le SPM... Il y a des filles qui deviennent colériques, qui font du ménage... Moi, je pleure. J'ai un assez fort côté Bambi, dans la vie de tous les jours mais, à une certaine période, le moindre événement un peu émotif me fait pleurer toutes les larmes de mon corps. Une pub de fromage en grains vaguement émouvante à la télé? C'est parti! J'exagère à peine.

Il y aussi SPM pour syndrome préMarathon. Prenez le paragraphe précédent, multipliez par 100. Dites le mot "course", j'ai les yeux plein d'eau, le petit menton qui tremble, la respiration qui s'accélère...

J'ai tellement peur. Et je jongle aussi avec la perspective de la solitude.

Je dis toujours qu'on court pour soi, jamais pour plaire à qui que ce soit. Je le pense, bien entendu. On court pour le bien que ça nous fait, au corps et à la tête. 

J'ai l'habitude que personne ne porte mon sac au fil de départ, que personne ne m'attende au fil d'arrivée avec un chandail chaud. C'est très correct. Parce que je cours pour moi. 

Je suis une coureuse solitaire. J'aime avoir ma bulle avant une course. C'est certain que je peux trouver des connaissances qui seront à Chicago aussi pour le marathon et avec qui je pourrais au moins manger des pâtes la veille de la course... Je n'ai même pas cherché, pas posé la question. Je me connais. Je vais avoir envie de me retirer, de vivre ma course et surtout mon avant course à mon rythme...

Mais il y a des moments, j'ai le rêve secret que quelqu'un me dise  : "J'ai réservé un billet d'avion! Je viens avec toi! Je vais t'attendre à l'arrivée avec ton chandail chaud! J'ai tellement hâte de voir ta médaille!" "On va aller au concert, on va aller voir les Cubs et la veille du marathon, on va fermer la lumière à 20 h et je ferai pas de bruit pour que tu puisses te reposer!"

J'aimerais ça, je pense... J'aurais aimé ça, pour ce marathon-là, pour mon objectif le plus ambitieux.

Les circonstances de la vie sont ce qu'elles sont. 

Une amie m'a dit que, selon elle, on a besoin parfois de se prouver qu'on peut réaliser certaines choses extraordinaires seul. Qu'il faut le voir comme une opportunité et une richesse. Je me concentre là-dessus.

Pourrais-je au moins vous demander, amis lecteurs, d'avoir une douce pensée pour moi le dimanche 11 octobre? 

A+, les athlètes!

jeudi 1 octobre 2015

Les lapereaux

En mai, j'ai couru deux marathons à trois semaines d'intervalles. Un plan ambitieux mais une expérience magnifique qui s'est déroulée à merveille.

Deux marathons comme lapine, Toronto en 4:45 et Ottawa en 5:00. L'automne précédent, j'ai aussi lapiné le marathon de New York en 4:45.

Courir pendant tout ce temps, c'est spécial. Pas tant pour la course que pour l'expérience humaine qui l'accompagne. Imaginez courir à côté d'inconnus pendant près de 5 heures. Votre rôle comme lapin, c'est de les amener au fil d'arrivée. Vous gérez les vitesses de course mais vous devenez un point d'attache, une source de motivation. Vous devenez leur meilleur ami. En tant que bon meilleur ami, vous les encouragez. Vous donnez des conseils, vous expliquez votre façon de voir les choses, vous racontez certains aspects de votre histoire. À leur tour, vos nouveaux meilleurs amis vous confient la leur.

À chaque marathon comme lapine, je me suis attachée à des inconnus qui sont devenus et restés des amis. C'est magique. Ils ont vécu un exploit, ils ont atteint leur objectif et j'ai eu la chance d'être à leurs côtés pour le vivre.

Mon expérience de lapine la plus spéciale, je l'ai vécue au tout petit marathon Goodlife de Toronto. Peu de participants, je ne savais pas si j'aurais un groupe avec moi. Mais oui, et mon plus beau groupe du début à la fin d'une course, rien de moins!

Des coureurs expérimentés qui étaient, pour la plupart, à leur premier marathon. Qui se connaissaient bien et qui savaient que 4:45 était réaliste pour eux. On a échangé tout le long, partagé encouragements et tranches de vie.

Tout allait bien, jusqu'à ce que je leur dise que je ne voulais plus les voir! Parce que c'est bien beau de courir avec un lapin mais si moi, mon objectif est de terminer avec précision, le leur, c'est de finir forts et de donner le meilleur d'eux-mêmes. Je savais qu'il leur restait de l'énergie pour gagner quelques secondes ou même une minute ou deux alors, pour les derniers kilomètres, je leur ai dit de me laisser tomber.

Ça n'a pas été facile! "On a fait ça avec toi, on ne peut pas s'en aller!" "On veut finir avec toi!!"

J'ai dû promettre que je tiendrais ma pancarte bien haute au fil d'arrivée, qu'ils me repèreraient facilement et qu'on se verrait tous célébrer et prendre une photo de groupe. On a fixé un point de ralliement. J'ai promis mille fois avant que finalement, ils me croient.

Ils sont partis doucement. Ils n'accéderaient pas trop, mes lapereaux :) Je les ai mêmes vus jeter des regards inquiets derrière eux, comme s'ils pensaient que j'allais abandonner au kilomètre 38 et rentrer chez moi!

Mais ils ont fini par me laisser! 

Juste avant, j'ai entendu deux coureurs parler. Lui, petit, osseux, avec piercings et tatouages partout sur le corps. Elle, grande et très costaude, avec jupette et visière roses. Ces deux-là, dans un bar, ils ne s'échangent clairement pas leurs numéros. Mais lui, je l'entends qui lui dit, à elle : "Je voulais te dire merci. Je n'avais jamais pensé que je courrais avec un groupe comme ça aujourd'hui et je n'avais jamais imaginé à quel point ça me donnerait de l'énergie et ça m'aiderait à passer au travers. Le groupe m'a permis de réussir mon premier marathon et tu en as été une partie importante, merci."

Et elle a répondu je ne sais pas quoi parce qu'ils accéléraient. 

Je les ai trouvés tellement beaux, j'en ai été un émue, j'avoue.

Pourquoi est-ce que j'adore courir comme lapin?

Pour ça. Pour ces moments-là.

Et bien sûr qu'on s'est vus au fil d'arrivée, qu'on a célébré et pris plein de photos! :)

A+, les athlètes!